Les origines du métier

A l'origine, les colonies agricoles

Podcast :1936
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Il ne s'agit ici, ni de retracer l'historique, ni de faire la critique des institutions de la Colonie agricole et pénitentiaire et de la Maison paternelle de Mettray. […] On se bornera donc à rappeler quelques faits, quelques dates, quelques jalons et quelques principes de cette institution qui fut, en France, la première expérience de surveillance et de réinsertion de la jeunesse délinquante hors des murs traditionnels de la prison.

En 1810, le Code pénal fixe la majorité pénale à 16 ans. Selon les articles 66 et 67 si un enfant a commis une faute, deux verdicts sont possibles lors de son jugement : soit il a agi avec discernement, soit il a agi sans discernement. Dans le premier cas il est condamné à une peine de prison. Dans le deuxième cas, il est acquitté mais, à cause de la situation morale ou physique de sa famille, il ne peut être remis en liberté ; il est donc mis en prison. L'enfant est alors "acquitté" ... comme ayant agi sans discernement mais renvoyé dans une maison de correction pour y être élevé et détenu jusqu'à l'âge de vingt ans accompli. Ce qui implique une situation paradoxale : un acquitté va plus longtemps en prison qu'un enfant reconnu coupable et condamné ! Car au début du XIXe siècle, il n'existe ni prison d'enfants ni de quartier d'enfants dans les prisons d'adultes. Les mineurs se retrouvent alors mêlés aux autres détenus adultes, toutes catégories pénales confondues : criminels, escrocs, vagabonds, voleurs, etc.

De plus, le Code civil donne au père le droit de faire enfermer ses enfants, à ses frais, sans jugement, sans acte judiciaire ; le magistrat délivrant seulement un ordre d'arrestation. L'enfermement dure d’un à six mois.

Dans les années 1820-1830

Un courant réformateur se préoccupe des difficiles questions de l'enfance en danger moral et de l'emprisonnement des enfants. Tous les réformateurs préconisent de traiter les jeunes délinquants avec humanité : les rééduquer par le travail et l'instruction.

Pétri de préventions morales à l'égard de l'oisiveté, Frédéric-Auguste Demetz préconise pour les enfants "le travail fortifiant du cultivateur, le plus apte à calmer les dérèglements de l'esprit".

Dès juillet 1839, un bâtiment, prévu initialement pour l'hospice, est mis à disposition pour servir d'Ecole des contremaîtres. Cette école préparatoire forme des jeunes "de familles respectables, appelés à servir d'encadrement aux colons". C'est la première école d'éducateurs en France. Jusqu'alors, seuls des gardiens de prisons prenaient en charge les jeunes délinquants.

A Mettray, les fondateurs de cette colonie se sont surtout appliqués à inculquer aux jeunes détenus des notions de morale pratique et de sociabilité.

Un travail moralisateur, une éducation stricte, une discipline impitoyable, des horaires rigoureux, une vie de famille omniprésente, tel est le quotidien du colon de la Colonie de Mettray.

Pour de multiples raisons, la situation de la Colonie se détériore dans les années 1880.

Sous le second Empire, la France est passée d'une société agricole à une société industrielle. Dans les villes, une délinquance juvénile apparaît, composée d'exclus, de marginaux, de délinquants, d'asociaux ou qualifiés comme tel, qui appartient généralement aux classes laborieuses et pauvres.

La France s'engage dans des conflits nés de la volonté de laïcisation de l'Etat. Les Républicains bloquent la subvention pour le prix de journée pour les établissements privés, malgré l'augmentation du coût de la vie.

Il est fait reproche à Mettray de n'être pas rentable. Le personnel se réduit pour de banales raisons budgétaires, les effectifs augmentent, manière de rentabiliser l'établissement. La pédagogie est laissée de côté, la discipline privilégiée.

En France, le projet éducatif pour les enfants délinquants est mis en attente. Les éducateurs sont remplacés par d'anciens militaires et des gardiens de prison.

Les nouveaux surveillants, souvent d'anciens militaires, privilégient la discipline au détriment de l'éducation. Si Mettray ignorait, à sa création, les châtiments corporels cet état d'esprit cesse définitivement d'exister dans ces années-là. Les brimades, les punitions sévères et les isolements en cellule augmentent.